Pourquoi, à l’écoute de quelques accords, et d’une voix aux sonorités bien précises, expérimentons-nous parfois la montée d’une émotion intense qui ne semble pas avoir de sens?
Il existe dans les chansons un pouvoir d’appel à la mémoire corporelle qui nous dépasse. Elles arrivent sur nous en une vague surprenante, et nous prennent doucement à la gorge, comme un miel au goût puissant.
Caluna, le miel.
Une remontée de souvenirs, en tendres foulées, au gré de l’histoire familiale de Julie Mathevet, de ce qu’elle retient des repas pleins de musique, des chansons improvisées, chantées toute son enfance. Julie y évoque la nostalgie profonde qui habite ses proches, même ceux nés en France. Tous sont en leur coeur des exilés, et vivent encore avec la Sicile comme point de désir.
Caluna c’est son voyage dans le mystère de la connaissance instinctive et chaotique d’une île qui n’est pas la sienne. La Sicile, ou le bout de terre qui manquera toujours, comme un bout du corps qu’elle n’aurait jamais eu. La Sicile et sa musique, cette chose qui flotte autour d’elle et en elle, comme un membre fantôme sur une eau remplie de souvenirs d’enfance.
Julie Mathevet vient du lyrique, et sa voix riche et grave rappelle la noirceur chaude du fado. En soutien à sa guitare folk, vient la contrebasse aux sonorités jazz de Guillaume Vallot. Camille Raibaud à la mandoline, puise l’inspiration de ses mélismes dans son jeu de violoniste traditionnel occitan. Julien Estèves au bouzouki, nourri de blues et de rythmes africains, ajoute une densité au groupe, alternant entre rythmique et chorus.
Caluna a progressivement puisé dans les richesses de ses couleurs, en retravaillant les chansons, les arrangements. Le groupe s’éloigne des couleurs de la musique traditionnelle, et va chercher dans tous ses possibles, pour proposer une chanson de voyage, riche, qui sent l’ailleurs et parle de partout.

Caluna trouve essentiellement ses inspirations dans le répertoire traditionnel Sicilien, mais pas seulement.
Autour des chants populaires, des chansons de vendetta, des berceuses, se trouvent aussi les histoires de soldats italiens forcés de partir au front, de brigands calabrais célèbres, de sérénades des Pouilles.
Ils viennent enrichir le tableau de ce sentiment d’italianité rocambolesque et contrastée dont nous cherchons à brosser l’image perdue.
Une belle part est faite à un répertoire moderne, composé par des femmes telles que Rosa Balistreri, Matilde Politi…autant de figures emblématiques de la chanson et de la langue siciliennes.